Quand le Grand Paris a rendez-vous avec le climat

Le Grand Paris existe-t-il déjà ? Sera-t-il très différent demain ? Faut-il qu’il le soit ? La proclamation du Grand Paris est prometteuse et fait grand bruit.

L’agenda politique de la capitale française est bien rempli pour les mois à venir, d’une part avec l’avènement de la Métropole du Grand Paris au 1er janvier 2016 et, d’autre part, comme une étape liminaire cruciale, avec l’accueil, à partir du 30 novembre, de la conférence sur le climat (COP 21). Ces deux échéances poussent plus que jamais à raisonner l’évolution du Grand Paris sur le long terme et à envisager des “scénarios” pour les mutations urbaines inéluctables qui vont advenir. L’enjeu n’est pas tant de fixer des objectifs que de tracer les “chemins” du changement. L’Atelier international du Grand Paris (AIGP), outil dont aucune autre métropole au monde ne s’est jamais dotée, est, à ce titre, aujourd’hui autant un lanceur d’alertes qu’un formidable catalyseur de débats et un moteur pour faire avancer idées et pratiques.

Le Grand Paris, où en est-on ?

L’idée d’un Grand Paris n’est pas nouvelle. Mais, en début de XXIer siècle, quelle “vision” d’avenir pouvait-elle être proposée ? Telle était la question qui présida en 2008 à la consultation internationale sur le « Grand Pari de l’agglomération parisienne ». Dix équipes d’architectes urbanistes et experts y proposaient des projections de l’évolution du Grand Paris, celles de la métropole de l’après Kyoto. Un élan nouveau était donné, des images inédites sur les futurs possibles du Grand Paris émanant d’architectes de renom international firent le tour du monde, des modes de réflexions pluridisciplinaires innovants sur la ville avaient fait leur preuve. C’est aujourd’hui à l’AIGP qu’il revient d’assurer la permanence de cet état d’esprit. Depuis, le train institutionnel s’est mis en marche. La loi sur le Grand Paris de 2010 suivie de la création de la SGP (Société du Grand Paris) ; la définition d’un nouveau réseau de transport avec la négociation de CDT (contrats de développement territorial) autour de ses futures gares à partir de 2011 ; la proclamation du Nouveau Grand Paris avec des plans de mobilisation successifs, notamment pour le logement et les transports, dès 2013 ; la loi MAPTAM en 2014 avec la mise en place d’une mission de préfiguration pour la future Métropole du Grand Paris, puis la loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) en 2015… Autant de décisions se sont succédées, jalonnant ainsi l’histoire récente du Grand Paris. La nouvelle métropole sera effectivement mise en place en janvier 2016.

Une nouvelle loi et de vraies questions en suspens

Les collectivités locales du territoire du Grand Paris sont appelées, aux termes de la loi, à évoluer dans leurs missions avec de nouveaux périmètres, des compétences redéfinies, des complémentarités et synergies à inventer et développer entre les unes et les autres. Des territoires infra et extra-métropolitains seront invités à répondre à des objectifs partagés.

Il reviendra à l’ingénierie métropolitaine de trouver les voies et moyens pour que le Grand Paris soit autant intégré et unitaire que respectueux de la diversité de ses composantes territoriales. Il en va de la nécessaire participation et adhésion des citoyens. Les questions encore ouvertes ne manquent pas. Comment définir la notion d’intérêt métropolitain qui figure dans la loi ? Comment faire en sorte que l’ambition du Grand Paris ne soit freinée par de nouvelles limites institutionnelles ? Quel “projet” pour cette future métropole du Grand Paris et ses territoires attenants ? Un projet qui ne soit pas la résultante des projets existants ni ne se voit résumé trop hâtivement par une image du futur réseau de transport, si important soit-il pour désenclaver et relier les territoires.

Atelier international du Grand Paris, une structure singulière, une position entre recherche-action, débats-controverses et conseils stratégiques

L’Atelier est né en 2010, du succès de l’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine et de la volonté de continuer avec force à mobiliser, aux côtés de tous les experts de l’aménagement, le regard, les compétences et les visions de l’architecte. Pour Christian de Portzamparc, membre du Conseil scientique de l’AIGP : « La métropole parisienne est le territoire au plus grand potentiel de développement économique, technique, culturel et social, mais aussi celui où le gâchis écologique est le plus grave. En maints endroits il offre des lieux privilégiés, mais le déséquilibre entre le centre et l’immense périphérie fixe les ségrégations sociales et les aggrave par les distances et les barrières. Ni la construction du train souterrain, ni le siogan “Grand Paris”, ni même la création bienvenue de la nouvelle entité politique métropolitaine ne sont suffisants pour faire face à ces grands blocages. »

L’AIGP associe dans sa gouvernance, à parité, État (ministère de la Culture et de la Communication, ministère du Logement, de l’Égalité des territoires et de la Ruralité, préfecture de Région) et collectivités locales (la Région Île-de-France, la Ville de Paris, Paris Métropole et l’association des maires d’Île-de-France). Les quatorze équipes pluridisciplinaires de son conseil scientifique sont réunies chacune autour d’un architecte qui coordonne et assure synthèse et transcription spatiale. Ce mode de travail reste novateur, il permet des temps de débats importants entre équipes et entre architectes et experts. La Stratégie nationale pour l’architecture (SNA) l’identifie à ce titre comme exemplaire.

Après « Habiter le Grand Paris » et « Systèmes métropolitains du Grand Paris » en 2013-2014, depuis l’automne dernier et sous l’impulsion de Mireille Ferri, nouvelle directrice générale de l’AIGP, les travaux des équipes ont été organisés autour du sujet du « Rendez-vous de la métropole et du climat ». Elles ont ainsi réinterrogé leurs travaux passés à l’aune du changement climatique et apporté des éclairages nouveaux sur les enjeux de la mondialisation, les migrations et solidarités, les innovations urbaines et architecturales, les interrelations entre mobilité et habitat, la gouvernance et la démocratie citoyenne, les risques et la résilience, enfin la nouvelle économie. Sept séminaires animés chacun par deux équipes en sont résultés. Afin d’aller à la rencontre des citoyens, sept questions ont été portées sur la place publique, le plus souvent “hors les murs” de l’AIGP. Enfin, il a été demandé à chaque équipe de procéder à “démonstrations” sur deux territoires de leur choix. Cette diversité d’approches et les propositions qui en résultent donneront lieu à la manifestation du “Grand Pari(s) du Climat” que l’AIGP organisera en novembre et décembre, pendant la COP21.

Manuel BAMBERGER
Directeur général adjoint de l’Atelier international du Grand Paris.
Isabelle Bertrand
architecte, chargée de mission à l’AIGP.

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